Les dangers d’une Eglise synodale dénoncés par un canoniste (2)

Source: FSSPX Actualités

Assemblée générale du Concile pastoral hollandais, 9 avril 1969

Alors que se prépare activement le synode sur la synodalité qui doit se tenir à Rome en octobre prochain, le canoniste Carlo Fantappiè, montre les dangers de l’aventure. La première partie a donné le diagnostic et les remèdes possibles. Cette seconde partie présente un exemple historique d’une tentative similaire qui devrait faire réfléchir.

Le précédent de l’Eglise en Hollande, dans l’immédiat après-concile

Comme le signale le Professeur Fantappiè, dans le troisième risque d’une Eglise synodale, cette réforme a déjà été réalisée en Europe, dans l’immédiat après-concile, débouchant sur un échec. A ce sujet, le National Catholic Register du 1er février montre que l’actuel Chemin synodal allemand, qui sert de laboratoire au prochain synode sur la synodalité, prend ses racines dans le Concile pastoral des Pays-Bas des années 1960-1970, dont on voit les conséquences catastrophiques sur la transmission de la foi et la pratique religieuse aux Pays-Bas.

Le Concile pastoral néerlandais qui s’est déroulé, de manière autonome, au lendemain de Vatican II, est bien à l’origine de la déchristianisation massive du pays au cours des dernières décennies. Les statistiques sur la pratique religieuse sont éloquentes. Ainsi, les données publiées avant la visite ad limina des évêques hollandais en novembre dernier estiment le nombre de catholiques pratiquants dans le pays à seulement 2,7 %, pour l’année 2022.

Et, selon les chiffres du World Values Survey analysés en janvier par le Center for Applied Research in the Apostolate, la participation à la messe aux Pays-Bas est la plus faible parmi les 36 pays à forte population catholique, avec seulement 7 % des catholiques participant à la messe chaque semaine.

D’après le dernier rapport des évêques néerlandais, bien que les catholiques romains constituent désormais le plus grand groupe de croyants chrétiens (20,8 %) dans ce pays à forte tradition calviniste, le nombre de catholiques pratiquants a chuté de plus d’un tiers (36 %) pendant la crise sanitaire entre 2019 et 2022.

La baisse annuelle était auparavant d’environ 6 %. Parmi les autres chiffres alarmants, le nombre de baptêmes a chuté de 19.680 en 2012 à 6.310 en 2021, et le nombre de mariages catholiques est passé de 2.915 à 660 sur la même période.

Quelques mois plus tôt, le diocèse d’Amsterdam annonçait que plus de 60% de ses églises fermeraient dans les cinq années à venir, en raison de la baisse de fréquentation des fidèles, du manque de congrégations religieuses et de dons.

Plusieurs voient dans cette chute libre de la foi une conséquence directe du Concile pastoral néerlandais, dirigé par des clercs et des théologiens qui voulaient moderniser l’Eglise en modifiant sa doctrine.

Ainsi, selon le cardinal Willem Eijk, archevêque d’Utrecht, dans un entretien accordé au National Catholic Register, le déclin de l’Eglise aux Pays-Bas remonte aux événements survenus au milieu des années 1960-1970, avec pour effet immédiat qu’en l’espace d’une décennie seulement, entre 1965 et 1975, la fréquentation des églises a diminué de moitié.

Cette tendance dramatique s’est poursuivie de manière constante jusqu’à aujourd’hui, bien que de façon moins radicale que durant la première décennie. Ces presque 60 ans d’érosion constante de la foi conduisent le cardinal Eijk à la conclusion que « le Christ est devenu une figure pratiquement inconnue pour la plupart des Néerlandais d’aujourd’hui. »

Et de préciser : « Dans la seconde moitié des années 1960, un groupe important de jeunes, aujourd’hui grands-parents, a décidé de ne plus aller à l’église le dimanche. Ils ont très peu, voire pas du tout, transmis la foi au Christ à leurs enfants, et encore moins à leurs petits-enfants. Les catholiques âgés meurent, et les jeunes catholiques, dans la plupart des cas, ne font plus baptiser leurs enfants. »

Face à cet effondrement, certains spécialistes de l’Eglise en Hollande affirment que la crise profonde de la foi dans le pays ne peut être comprise sans tenir compte de ce qu’on appelle le Concile pastoral, un événement majeur qui s’est déroulé entre 1966 et 1970 à Noordwijkerhout, une ville de l’ouest des Pays-Bas.

L’un d’entre eux est Mgr Paul Hamans, théologien et historien de l’Eglise, auteur de plusieurs publications sur le sujet, dont Het Pastoraal Concilie van de Nederlandse kerkprovincie (1966-1970) [Le Concile pastoral de la province ecclésiastique néerlandaise 1966-1970].

Mgr Hamans rapporte qu’à leur retour de Rome, « après la conclusion du concile Vatican II, les évêques néerlandais ont confié à l’Institut pastoral de la Province ecclésiastique néerlandaise, connu sous son acronyme néerlandais PINK, la tâche de coordonner la mise en œuvre des décisions du Concile.

« A son tour, PINK a lancé ce qu’il a appelé un Concile pastoral, qui consistait en une série de réunions et de consultations publiques impliquant des théologiens et d’autres experts laïcs de différents horizons, au cours desquelles diverses propositions hétérodoxes pour un renouveau de la foi catholique ont été avancées. »

« PINK et un certain nombre de théologiens pensaient que Vatican II avait coupé l’Eglise du passé », déclare Mgr Hamans au National Catholic Register. « Ils se sentaient appelés à créer l’Eglise du futur en interprétant les “signes des temps”, au lieu de prendre la Révélation comme point de départ. Les sciences humaines, notamment la sociologie et la psychologie, permettraient de saisir la pensée des individus et la manière dont devrait être l’Eglise à l’avenir. »

La proposition phare du Concile pastoral était l’abolition du célibat pour le clergé, une proposition qui allait directement à l’encontre du concile Vatican II, qui avait décidé de le maintenir. « Les évêques ont été mis sous pression.

« Le cardinal Bernardus Johannes Alfrink [archevêque d’Utrecht de 1955 à 1975] a été envoyé à Rome pour s’entendre avec le Vatican sur l’abolition du célibat des prêtres aux Pays-Bas », poursuit Mgr Hamans, ajoutant que le pape Paul VI a publiquement rejeté cette demande à deux reprises : « Alfrink n’a été reçu par le pape qu’en juillet 1970 et a dû d’abord déclarer qu’il ne préconisait plus l’abolition du célibat. »

Selon Mgr Hamans, « cette initiative néerlandaise infructueuse était le résultat d’une mauvaise interprétation de la notion de collégialité épiscopale promue par Vatican II, interprétée comme une forme de processus démocratique et participatif qui ne tenait pas compte de la place spécifique du pape comme centre de l’unité de l’Eglise » – Ne s’agit-il ici que d’une mauvaise herméneutique du Concile ?

D’après lui, « les évêques ont remis leur mission à des personnes qui voulaient créer une autre Eglise aux Pays-Bas et ont commencé la réforme eux-mêmes, sans consulter le centre de l’Eglise, c’est-à-dire le pape et la curie romaine, bien que cette dernière ait commencé à consulter l’épiscopat mondial afin de l’impliquer dans la continuation de l’Eglise après Vatican II. » – Certes, mais ce va-et-vient flottant entre Rome et les évêques montre l’ambiguïté de la notion de collégialité dans les textes conciliaires et leur application.

Prêtre dans le diocèse de Den Bosch, le père Elias Leyds déclare au National Catholic Register que « cette initiative [contre le célibat sacerdotal] – menée parallèlement à la publication en 1966 d’un nouveau catéchisme hollandais, qui a dû être corrigé par le Vatican – a créé une confusion parmi les fidèles, rendant certains d’entre eux peu sûrs de leur foi et suscitant de faux espoirs parmi ceux qui s’attendaient à de grands changements dans la doctrine de l’Eglise et qui, déçus, ont finalement abandonné la foi. »

Le P. Leyds regrette que le Concile pastoral, qu’il considère comme directement impliqué dans le grave effondrement de la foi dans son pays, serve de modèle à d’autres initiatives controversées de l’Eglise, dont récemment le Chemin synodal en Allemagne et le document liturgique des évêques flamands sur la bénédiction des couples de même sexe [20 septembre 2022].

Selon lui, les promoteurs de ces initiatives, et dans une moindre mesure certains des participants locaux au synode sur la synodalité, commettent l’erreur de ne pas tirer les bonnes leçons du passé. « Ce qui s’est passé en Hollande dans les années 1960 a montré où pouvait mener cette volonté de s’émanciper de Rome sur les questions doctrinales », avertit le père Leyds.

« Aujourd’hui, il semble y avoir une surenchère entre certains pays qui veulent être à l’avant-garde de la réforme de l’Eglise catholique, mais il faut être conscient que cela ne peut mener qu’à l’échec partout, d’autant plus que les personnes dont la foi n’était pas assez forte sont toutes déjà parties et ne reviendront pas en se voyant proposer une religion vidée de sa substance », conclut-il. – Que celui qui a des oreilles, entende ! (Mt 11, 15)

On lira avec fruit l’article très documenté publié par FSSPX.Actualités, le 17 octobre 2019, sur le rôle du Concile pastoral hollandais dans la genèse du Chemin synodal allemand.