Synode sur la synodalité : rapport synodal de la Suisse

Source: FSSPX Actualités

Les évêques suisses ont publié le rapport synthétique sur le Synode sur la synodalité le 15 août 2022. Ce rapport a été finalisé par l’assemblée synodale suisse qui s’est tenue le 31 mai à l’Abbaye d’Einsiedeln. Cette assemblée l’a établi à partir d’une évaluation des processus et des rapports diocésains.

La synthèse se divise en deux parties : bilan et perspectives. Sans surprise, les thèmes abordés et développés ressemblent à ceux qui sont présents dans bon nombre de synthèses nationales, surtout européennes. Mais certaines notes spécifiques à la Suisse peuvent être remarqués.

Bilan

La situation particulière de la Suisse

Le texte reconnaît que « la situation globale peut être désignée par trois mots-clés : perte de pertinence de la tradition de la foi de l’Eglise, perte de confiance en l’Eglise et distanciation croissante envers l’Eglise ». Ce qui est évidemment très inquiétant.

Les raisons qui sous-tendent ce constat sont les suivantes d’après le rapport : « les abus sexuels et spirituels de pouvoir dans l’Eglise et la culture ancienne du secret » qui engendrent une « perte croissante de crédibilité et de confiance envers l’Eglise ».

Une appartenance formelle à l’Eglise par le paiement de l’impôt ecclésiastique, mais sans lien réel avec la vie de l’Eglise, et une prise de distance de plus en plus consciente. Ce qui se manifeste par une pratique rare voire épisodique.

Le rapport met en cause – et de manière répétée – l’absence de « véritables réformes et les réponses évasives ou dilatoires des responsables » qui suscitent « l’incompréhension et le mécontentement général, tant dans l’opinion publique que parmi les membres de l’Eglise ».

Et finalement, une augmentation croissante des sorties d’Eglise, qui se manifeste par l’abandon de l’impôt ecclésiastique – qui est prélevé par l’Etat en Suisse, puis redistribué. Cet abandon est considéré comme une « sortie d’Eglise », autrement dit, une apostasie.

Cette situation explique la méfiance envers le processus synodal : il y a d’une part un espoir qu’un nouveau départ puisse être amorcé, mais il est ressenti comme une dernière chance. D’autre part, les participants doutent du Synode, à cause du « décalage entre la procédure synodale (recherche d’un accord) et la conception démocratique, culturellement ancrée en Suisse (procédure de vote) ».

La crainte d’une nouvelle frustration est présente, car les processus précédents ont souvent conduits à une déception. Ainsi, « l’impatience, les blessures, les sentiments d’impuissance et la résignation face au manque de perspectives de réformes sont largement répandus. (…) De fortes attentes ont été formulées, mais des craintes ont été exprimées, à savoir qu’une fois de plus, rien ne changerait. »

– De fait, depuis le concile Vatican II et les folies qu’il a semées dans les esprits, ceux qui pensaient pouvoir tout changer dans l’Eglise sont allés de déception en déception. Mais c’est bien le Concile et son « esprit » qui sont responsables.

Les thèmes importants

Le point de départ est le baptême car « toutes les dimensions fondamentales de l’appartenance et de la participation à la mission ecclésiales y sont inscrites : la vocation sacerdotale, royale et prophétique de toute chrétienne et de tout chrétien ». – Encore faut-il que cette citation implicite de la première épître de saint Pierre soit comprise, ce qui n’est pas le cas comme la suite le montrera.

Les trois articles suivants le prouvent : « le refus d’accorder des droits égaux aux femmes et l’expérience de l’exclusion des personnes déclarant une identité LGBTIAQ* et des divorcés remariés sont compris comme autant de contradictions intérieures avec la foi et le baptême ».

« De nombreuses positions officielles de l’Eglise sur le rôle des femmes en Eglise et dans la société, sur la sexualité et les modes de vie sont perçues comme dévalorisantes et excluantes. »

« La nomination de femmes à des postes de responsabilité et à des fonctions ou ministères est considérée comme une promesse d’espoir pour une Eglise synodale. En revanche, lorsque l’exclusion persiste en théorie et en pratique, elle est souvent décrite comme une caractéristique d’une Eglise cléricale. » - Ces trois articles s’opposent directement ou indirectement à la constitution divine de l’Eglise.

Pour la liturgie : « La langue et les formes liturgiques doivent être adaptées aux contextes culturels et leur beauté et leur richesse doit être promue de manière plus consciente et culturellement appropriée. La diversité des célébrations liturgiques et des formes spirituelles doit être encouragée afin d’atteindre des personnes différentes. » - Ce qui suppose que la liturgie actuelle n’a pas cette universalité que le pape saint Pie X donne comme caractéristique de la véritable liturgie. Dont acte.

La coresponsabilité dans la mission donne lieu à de nouvelles exigences : « la coresponsabilité dans la mission de l’Eglise présuppose la reconnaissance et la promotion des charismes et des vocations propres des croyants. La dignité de prêtre, prophète et roi de tous les baptisés en constitue le point de départ. »

« Le fait de lier de larges pans de la responsabilité en Eglise à l’ordination exige que les conditions d’admission soient élargies. L’exclusion de certains groupes de personnes (femmes, personnes mariées) affaiblit l’acceptation aussi bien de l’Eglise en tant qu’institution que de ses représentants officiels. »

« La structure pyramidale de l’Eglise, en particulier la volonté de supériorité et de pouvoir de certains membres du clergé et de quelques théologiennes, théologiens et collaborateurs pastoraux, est considérée comme un obstacle à l’exercice de la coresponsabilité de tous les baptisés dans la mission de l’Eglise. »

- C’est la réalisation du danger signalé plus haut : le fait de lier les responsabilités à l’ordination est de droit divin ; et le fait que le sacerdoce soit réservé aux hommes est également de droit divin. Face à ces deux vérités, les paragraphes précédents apparaissent comme des sources de déceptions futures.

Signalons le chapitre de l’échange avec les autres confessions chrétiennes. « Beaucoup considèrent que l’hospitalité eucharistique devrait exister depuis longtemps, ou qu’elle est appropriée ». Et, « De nombreux croyants ne voient plus dans les différences confessionnelles, en particulier avec les Eglises évangéliques réformées de Suisse, des raisons fondamentales de séparation. »

Autorité et participation

Le constat que « le cléricalisme sape toutes les attitudes et pratiques synodales authentiques dans l’Eglise » est d’abord dressé. Puis le clou est enfoncé : « Dans de nombreux débats synodaux, la vision hypertrophiée qu’ont certains prêtres de leur fonction et certains fidèles qui la partagent se heurte à des critiques. Une autorité sacerdotale étroite, arbitraire et trop institutionnelle est contraire à l’Evangile et aux attentes d’une Eglise synodale. »

- Ce qui suppose que les participants sont parfaitement au fait de ce qu’enseigne l’Evangile d’une part, et de ce qu’est une “Eglise synodale”. Mais il suffirait d’un petit sondage pour voir une palette de divergences impressionnante.

Les précisions suivent : « De nombreux croyants souhaitent une Eglise dans laquelle l’autorité et le pouvoir sont redistribués entre les ministres ordonnés, les personnes engagées en pastorale à titre professionnel et toutes les personnes baptisées. » – Contraire à la constitution divine de l’Eglise.

« Les attentes sont les suivantes : des formes plus collégiales de direction à différents niveaux ; une direction avec des formes de participation représentatives de tout le peuple de Dieu ; la possibilité effective pour tous les baptisés de s’exprimer sur les questions locales les concernant directement ; la séparation des pouvoirs, une évidence dans tout système politique. »

Enfin, une dernière proposition demande d’intégrer le système suisse dit « dual » dans toutes les composantes de la vie de l’Eglise. En Suisse, dans de nombreux cantons, l’Etat a imposé au XIXe siècle des structures cantonales et paroissiales qui gèrent l’aspect économique ainsi que les emplois. Il peut arriver que ces structures, qui sont au mains de laïcs, s’opposent au curé ou à l’évêque. Il est facile de comprendre ce que signifierait cette intégration.

Perspectives

Ce chapitre découle du précédent. La première proposition veut poursuivre le processus d’écoute mutuelle du Synode.

La deuxième veut « mettre fin à l’exclusion de groupes de personnes : le rejet ouvert ou indirect ou la dévalorisation de groupes humains est contraire à une Eglise synodale tout comme à la promesse de l’Evangile ».

En découle : la demande de la cessation de l’exclusion des femmes de l’ordination et, par conséquent, de la participation aux décisions ; l’exigence de l’arrêt de l’exclusion et la dévalorisation des personnes appartenant au spectre LGBTIAQ* ; la revendication d’une révision de la morale sexuelle et de l’enseignement de l’Eglise « dans le cadre d’un dialogue synodal » ; une nouvelle attitude envers les divorcés remariés.

La troisième proposition demande de « dépasser le cléricalisme : le rôle des prêtres dans une Eglise synodale doit faire l’objet d’une réflexion et d’une définition fondamentalement nouvelles », particulièrement « au regard du caractère sacramentel conféré à tous les baptisés, détenteurs de la dignité sacerdotale ».

La quatrième proposition veut « introduire le partage dans l’exercice du pouvoir : la participation à une Eglise synodale présuppose la participation aux processus de discernement comme de décision ». Ce qui se décline ainsi :

« L’Eglise synodale peut devenir réalité si la séparation des pouvoirs est atteinte et s’il est mis fin à la concentration du pouvoir décisionnel de l’Eglise entre les mains des clercs. » – Proposition hérétique.

« Le peuple de Dieu doit être effectivement impliqué dans le choix des ministres de l’Eglise. Cela vaut en particulier pour la désignation des évêques. »

« En même temps, l’étendue des pouvoirs de l’évêque doit être examinée de manière critique et être limitée. Dans une Eglise synodale, la crédibilité de la fonction suppose un partage du pouvoir et des responsabilités, ainsi qu’un contrôle transparent et une obligation de rendre compte de l’exercice du ministère. » – Nouvelle proposition hérétique dans sa première partie.

La cinquième proposition voudrait créer de nouvelles instances régionales et d’autres continentales, avec des pouvoirs élevés et la participation de laïcs avec droit de vote. – Encore une proposition indirectement hérétique, car elle s’attaque au pouvoir de l’évêque qui est de droit divin.

La sixième proposition demande des pouvoirs étendus pour les responsables locaux au point de vue liturgique, pour l’établissement de « formes d’expression liturgiques ». – Sans commentaire.

Enfin, la septième proposition relève que le processus synodal n’en est qu’à ses débuts et qu’il faudra du temps pour le réaliser. – C’est une sorte de nouveau point de départ conciliaire après l’échec cuisant de soixante ans d’expériences qui semblent n’avoir pas suffi.

En conclusion : une nouvelle preuve de la contamination du Chemin synodal allemand a été donnée.