Le cardinal Brandmüller rejette le document préparatoire du Synode sur l’Amazonie

Source: FSSPX Actualités

Le cardinal Walter Brandmüller, président du Conseil pontifical des sciences historiques de 1998 à 2009 et co-auteur, en 2016, des célèbres Dubia sur Amoris lætitia – auxquels le pape François n’a jamais répondu –, accuse l’Instrumentum laboris (document de travail) du prochain Synode sur l’Amazonie d’hérésie et d’apostasie.

Sa déclaration a été publiée par le vaticaniste Sandro Magister, le 27 juin 2019, dix jours après la parution du document romain. Il s’y interroge sur la nécessité de ce synode sur l’Amazonie : « Avant tout, on est en droit de se demander pourquoi un synode des évêques devrait se pencher sur des thèmes qui – comme c’est le cas pour les trois quarts de l’Instrumentum laboris – ne concernent que marginalement les Evangiles ou l’Eglise. De toute évidence, il s’agit de la part du synode des évêques d’une ingérence agressive dans les affaires purement temporelles de l’Etat et de la société du Brésil. On pourrait se demander ce que l’écologie, l’économie et la politique ont à voir avec le mandat et la mission de l’Eglise.

« Et par-dessus tout : en quoi un synode ecclésial des évêques est-il compétent pour formuler des déclarations dans ces domaines ? Si le synode des évêques s’aventurait vraiment sur ce terrain, il sortirait alors de son rôle et ferait preuve alors d’une prétention cléricale que les autorités civiles seraient en droit de rejeter. »

Le haut prélat souligne « l’évaluation très positive que l’on fait des religions naturelles, y compris des pratiques de guérison indigènes et tout ce qui s’ensuit, y compris des pratiques et des rites mythico-religieux. Dans le contexte de l’appel à l’harmonie avec la nature, on y parle même de dialogue avec les esprits (n°75). (…)

« Le territoire – c’est-à-dire les forêts d’Amazonie – y est même déclaré être un locus theologicus (lieu théologique), une source singulière de la révélation de Dieu. Il y aurait en son sein les lieux d’une épiphanie où se manifeste la réserve de vie et de sagesse pour la planète, une vie et une sagesse qui parle de Dieu (n°19). Entretemps, la régression du Logos au Mythos qui en découle, est érigée en modèle de ce que l’Instrumentum laboris qualifie d’inculturation de l’Eglise. Le résultat est une religion naturelle recouverte d’un mince vernis chrétien. »

Le cardinal Brandmüller signale deux des objectifs de ce synode et la négation de la hiérarchie de l’Eglise qui s’ensuit : « Il est impossible de masquer que le synode vise surtout à mettre en œuvre deux projets auxquels on tient beaucoup et qui n’ont jamais été mis en œuvre jusqu’à présent : l’abolition du célibat et l’introduction d’un sacerdoce féminin – en commençant d’abord par le diaconat féminin. Quoi qu’il en soit, il s’agit de “tenir compte du rôle central que les femmes jouent aujourd’hui dans l’Eglise amazonienne” (n°129a3). D’une manière similaire, il s’agit à présent “d’ouvrir de nouveaux espaces pour la création de nouveaux ministères appropriés à ce moment historique. Il est temps d’écouter la voix de la région amazonienne…” (n°43).

« On oublie cependant de mentionner que Jean-Paul II avait affirmé avec la plus haute autorité magistérielle qu’il n’est pas dans le pouvoir de l’Eglise de conférer les ordres sacrés aux femmes (Ordinatio sacerdotalis, 22 mai 1994). En effet, en deux mille ans, l’Eglise n’a jamais administré le sacrement de l’Ordre à une femme. La demande qui va aujourd’hui dans la direction opposée montre que le mot “Eglise” est maintenant employé comme un terme purement sociologique de la part des auteurs de l’Instrumentum laboris (…).

« De la même manière – quoique sans s’y attarder – le n°127 (…) demande s’il ne serait pas opportun de “reconsidérer la notion selon laquelle l’exercice de la juridiction (le pouvoir de gouvernement) devrait être lié dans tous les domaines (sacramentel, judiciaire et administratif) et de façon permanente au sacrement de l’Ordre.” C’est à partir de cette vision erronée qu’ensuite (au n°129) on appelle à la création de nouveaux offices qui correspondraient aux besoins des peuplades amazoniennes. »

Toutes ces considérations amènent le prélat allemand à affirmer sans détour : « l’Instrumentum laboris confie au synode des évêques et en définitive au pape la charge d’une grave violation du Depositum fidei (dépôt de la foi), avec pour conséquence une autodestruction de l’Eglise ou bien la transformation du Corpus Christi mysticum (Corps mystique du Christ) en une ONG civile avec un mandat écologico-socialo-psychologique.

(…) Nous assistons à un nouvel avatar du modernisme classique du début du 20e siècle. » 

D’où la conclusion ferme du cardinal Brandmüller : « Il faut donc à présent affirmer avec force que l’Instrumentum laboris contredit l’enseignement impérieux de l’Eglise sur des points essentiels et qu’il doit donc être considéré comme hérétique. Et dans la mesure où le fait de la révélation divine y est remis en question, ou mal compris, il faut également parler d’apostasie.

« Cela se justifie d’autant plus à la lumière du fait que l’Instrumentum laboris recourt à une conception purement immanentiste de la religion et qu’il considère la religion comme étant le résultat et la forme d’expression de l’expérience spirituelle personnelle de l’homme. L’emploi de notions et de termes chrétiens ne peut masquer que ceux-ci ne sont utilisés que comme des coquilles vides, en dépit de leur sens originel.

« L’Instrumentum laboris pour le synode sur l’Amazonie constitue une attaque contre les fondements de la Foi, d’une manière qu’on n’aurait jamais cru possible jusqu’ici, et il doit donc être rejeté avec la plus grande fermeté. »

LE RHIN POLLUE L’AMAZONE ET LE TIBRE

Stefano Fontana, dans son éditorial de La Nuova Bussola Quotidiana du 19 juin, demandait lui aussi aux évêques de récuser ce document de travail. De même Roberto de Mattei sur le site américain Rorate Cœli, le 20 juin : « Les évêques successeurs des apôtres vont-ils se taire ? Les cardinaux, les conseillers du pape dans le gouvernement de l’Eglise, se tairont-ils face à ce manifeste politico-religieux qui pervertit la doctrine et la pratique du Corps mystique du Christ ? »

Stefano Fontana, dans l’éditorial cité, résume l’Instrumentum laboris de façon lapidaire : « Deux gnosticismes convergent dans le document. Le premier est l’idée que le salut dérive d’une pratique, celle d’un christianisme révisé à partir d’une situation historique (d’exploitation) : c’était la voie de la théologie de la libération. Le second est représenté par le primitivisme écologiste de la vie dans le “tout’ de la Terre Mère dont les peuples amazoniens aujourd’hui exploités seraient les dépositaires. Deux gnosticismes en un. Deux gnosticismes peu amazoniens, beaucoup d’exportation occidentale, conçus dans les chaires de la nouvelle théologie catholique européenne. »

Cette influence du modernisme européen, plus particulièrement allemand, est confirmée par la récente tenue d’une réunion non publique, à Rome. Edward Pentin en donnait la composition, dans New Catholic Register du 26 juin : « Une rencontre privée s’est tenue mardi (25 juin) à Rome pour discuter du prochain Synode amazonien, avec la participation de prélats et d’experts en grande partie germanophones. (…) Les participants invités à la réunion d’étude, qui a eu lieu dans un couvent et centre de retraites spirituelles de la banlieue de Rome dirigé par la Congrégation des Ancelle di Cristo Re, comprenaient le cardinal brésilien Claudio Hummes, rapporteur général du Synode et président du REPAM (Réseau ecclésial panamazonien), le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, et le cardinal Walter Kasper, proche conseiller théologique du pape François.

« Egalement présent, l’Autrichien Erwin Kräutler, évêque émérite de la Prélature territoriale de Xingu au Brésil, que le pape François a nommé expert consultant auprès du Synode. Kräutler a plaidé pour l’ordination d’hommes mariés en Amazonie et a exprimé son soutien aux femmes prêtres. On pense qu’il a contribué à la rédaction du document de travail controversé sur le Synode, publié la semaine dernière. 

« Parmi les autres participants, Franz-Josef Overbeck, évêque d’Essen (Allemagne), à la tête de la Commission épiscopale allemande pour l’Amérique latine, qui, par l’intermédiaire de son organisation Adveniat, apporte un soutien financier et pastoral important à l’Amérique latine. Le mois dernier, Overbeck a dit que le Synode conduirait l’Eglise à un “point de non-retour” et qu’ensuite, “rien ne sera plus comme avant”. (…)

« Aucun de ceux figurant sur la liste des participants à la réunion n’est connu pour son orthodoxie. Parmi eux, le père Hubert Wolf, théologien et historien de l’Eglise, dont une source informée a dit qu’il était “en théorie et en pratique contre le célibat sacerdotal”. Ancien élève de l’Université de Tübingen, il a été ordonné prêtre dans son diocèse natal de Rottenburg-Stuttgart dans les années 1990 lorsque le cardinal Kasper était évêque diocésain. (…)

« Bien que le document de travail mette fortement l’accent sur l’écoute de la “voix de l’Amazonie”, le fait significatif et le dénominateur commun de cette rencontre, c’est le grand nombre de prélats et de théologiens européens et en particulier allemands, et le faible nombre, voire l’absence des voix amazoniennes. 

« La forte contribution de prélats et de théologiens germanophones a conduit des observateurs inquiets à croire que le Synode est un moyen pour eux d’imposer et de mettre en œuvre leur propre programme idéologique – particulièrement déroutant pour certains, étant donné l’état moins que robuste de l’Eglise catholique dans les pays germanophones et dans les autres pays d’Europe.

« Rendant compte du concile Vatican II, le prêtre américain Ralph Wiltgen a écrit le célèbre livre Le Rhin se jette dans le Tibre (1976, réédité par Dominique Martin Morin), qui relate l’influence de l’Eglise en Allemagne sur cette assemblée. Interrogé le 21 juin par le Register pour savoir si le Rhin coule désormais en Amazonie, le cardinal allemand Gerhard Müller, préfet émérite de la Congrégation pour la doctrine de la foi a répondu : “Nous voyons que ce n’est pas une bonne influence parce que l’Eglise est en train de s’effondrer en Allemagne... Ils [les prélats allemands] ne sont pas conscients des vrais problèmes [dans l’Eglise aujourd’hui] : ils parlent de morale sexuelle, de célibat et de femmes prêtres, mais ils ne parlent pas de Dieu, de Jésus-Christ, de la grâce, des sacrements, de la foi, de l’espérance et de la charité, des vertus théologales”. »

Lors du Concile, face à la subversion moderniste venue des pays germanophones, une réaction se manifesta avec le Cœtus Internationalis Patrum où s’illustra Mgr Marcel Lefebvre. Il est à souhaiter qu’une semblable réaction surgisse pour endiguer le Rhin pollueur. Voilà la seule « écologie intégrale », intégralement catholique, qui s’impose face au dérèglement théologique généralisé. Tout le reste n’est que littérature.