La cause de la mort de saint Thomas d’Aquin dévoilée ?

Source: FSSPX Actualités

Relique du crâne de saint Thomas d'Aquin, Toulouse

Un article de la revue World Neurosurgery, paru dans le numéro de février 2024, expose une reconstitution médicale de la cause de la mort de saint Thomas d’Aquin, docteur commun de l’Eglise, et dont nous célébrons un triple anniversaire depuis trois ans : les 700 ans de sa canonisation (1323), les 750 ans de sa mort (1274) et les 800 ans de sa naissance (1225).

Le célèbre docteur scolastique, qui a été décoré du titre de « docteur commun » de l’Eglise, a eu une vie courte. Né en 1225, il est mort le 7 mars 1274, âgé de moins de 50 ans, à l’abbaye de Fossanova, alors qu’il se rendait au concile de Lyon à la demande du pape Grégoire X. Même si l’espérance de vie était moindre qu’aujourd’hui, c’est un décès qui peut être qualifié de prématuré.

Comme dans toute recherche diagnostique qui respecte les règles, les auteurs se sont d’abord penchés sur l’anamnèse, autrement dit les renseignements fournis par l’interrogatoire du patient ou de son entourage. En l’occurrence ce sont les sources historiques qui ont été interrogées pour essayer de reconstituer au mieux les circonstances qui ont précédé le décès du saint docteur.

L’article nous apprend que les sources principales comprennent des notices biographiques de Pierre Calo, de Guillaume de Tocco et de Bartholomée de Capoue, écrites quelques années après la mort du saint. S’y ajoutent des témoignages recueillis à l’occasion de son procès de canonisation. La plupart des sources datent du XIIIe et du XIVe siècle.

Les auteurs se sont également rendus à Priverno pour examiner l’un des crânes attribués à saint Thomas d’Aquin. En effet, un autre crâne, conservé sous l’autel du couvent des Jacobins de Toulouse, berceau de l’Ordre dominicain, revendique d’être le chef du saint docteur, mais il n’a pas été examiné. Ce sera l’un des buts d’une prochaine recherche.

Jusqu’à maintenant, plusieurs hypothèses ou théories étaient avancées quant à la cause de la mort de l’Aquinate : maladie générale aigüe, mort à la suite d’une extase mystique et même empoisonnement dont le coupable est désigné par Dante, dans sa Divine Comédie, comme étant le roi Charles Ier de Naples. Plus récemment, des chercheurs ont pensé à une atteinte cérébrale.

La reconstitution montre que saint Thomas est parti le 28 janvier 1274 du couvent de Naples en empruntant la Via Latina vers Rome, ce chemin permettant de passer par Maenza où résidait la nièce du saint. C’est alors, raconte l’un des témoins, que saint Thomas a chuté violemment en heurtant un arbre tombé, ce qui l’a « en quelque sorte assommé » (fere stupefactus quodammodo).

Arrivés peu après à Maenza, l’équipée stationna 4 ou 5 jours, et le même témoin dit qu’alors le frère Thomas commença à être fortement accablé d’infirmités : nausées, anorexie et faiblesse généralisée, et c’est pourquoi il demanda « avec une grande dévotion qu’il soit transporté au monastère de Sainte-Marie de Fossanova, ce qui fut fait ». Il dut être transporté à dos d’âne.

Il faut remarquer que la règle dominicaine interdisait alors aux frères de monter à cheval ou à dos d’âne. Que saint Thomas ait accepté d’être ainsi transporté montre sa profonde faiblesse. Les témoignages de son séjour à Fossanova décrivent l’aggravation générale de ces symptômes : faiblesse, nausée et anorexie, mais sans atteinte neurologique caractérisée.

Il faut seulement signaler un moment où, lors d’un débat métaphysique, le Frère Réginald, son compagnon, décrit le saint ne sachant plus quoi écrire et éludant les questions. Mais quelques jours plus tard il prononçait un sermon. Les témoins parlent de la conservation de sa capacité intellectuelle : il dicta un commentaire – malheureusement perdu – sur le Cantique des cantiques.

L’on peut résumer le tableau clinique ainsi : une blessure initiale qui a précédé une période de lucidité suivie de symptômes de faiblesse, de nausées et d’anorexie s’aggravant progressivement jusqu’à la mort. Ce tableau peut évoquer un hématome sous-dural, ou collection sanguine qui se constitue progressivement entre la dure-mère et l’arachnoïde.

Il y a en effet trois « méninges » qui entourent le cerveau : la dure-mère qui est appliquée contre l’os crânien, l’arachnoïde, située en-dessous, et la pie-mère, immédiatement au contact du cerveau. Un hématome sous-dural se situe entre la dure-mère et l’arachnoïde. Dans la plupart des cas il résulte d’un traumatisme crânien mineur ou modéré.

Il arrive qu’un tel hématome guérisse spontanément s’il est peu important. Mais il arrive aussi qu’il s’étende progressivement, provoquant divers symptômes dont le développement s’étale sur plusieurs semaines, voire davantage : il s’agit alors d’un hématome sous-dural chronique. Non traité, il entraînera assez souvent la mort.

Les auteurs concluent donc à la grande vraisemblance d’un hématome sous-dural chronique, provoqué par le choc violent avec un arbre sur le chemin entre Naples et Maenza. Ils se proposent de continuer à enquêter en obtenant l’autorisation d’examiner les deux crânes qui rivalisent pour être la relique du docteur angélique.

Cet examen pourrait déceler les traces de l’accident initial, et qui sait, départager Toulouse et Priverno quant à la possession du chef authentique du plus célèbre docteur de la chrétienté !