Espagne : les bénédictins de los Caídos défendent la sépulture des morts

Source: FSSPX Actualités

El Valle de los Caídos. En français : "la vallée de ceux qui sont tombés".

Alors que depuis près d’un an la polémique est vive en Espagne au sujet de la sépulture de Franco dans la vallée de los Caídos, le Prieur du monastère bénédictin qui a la charge de la nécropole, a refusé de comparaître devant la Commission de Justice du Sénat lui demandant de déplacer hors du sanctuaire les restes de plusieurs victimes du régime franquiste.

Le 11 mai 2017, la chambre basse du Parlement espagnol, en application d’une loi visant à « mieux honorer la mémoire des victimes » de la guerre civile, a demandé au gouvernement de Mariano Rajoy d’exhumer les restes du Caudillo et de José Antonio Primo de Rivera, le fondateur de la Phalange, afin de les déplacer dans un endroit plus discret que le sanctuaire de la basilique souterraine de Los Caídos.

Le gouvernement s’opposant à ce vote, le statu quo perdure depuis presqu’un an, d’autant plus que, les tombes se situant dans le périmètre de l’édifice religieux, rien ne peut être fait sans l'accord de l'Eglise catholique.

Un sanctuaire national et une œuvre de piété

Conçue par le général Francisco Franco pour célébrer sa victoire durant la guerre civile (1936-1939) et « perpétuer la mémoire de ceux qui sont tombés lors de notre glorieuse croisade », selon le décret du 1er avril 1940, la « Santa Cruz del Valle de los Caídos » - Sainte-Croix de la Vallée des Tombés - consiste principalement en une basilique et une nécropole souterraines surmontées d’une croix de 150 mètres de haut. L'imposant sanctuaire est situé dans le splendide panorama qu'offre la sierra de Guadarrama.

L’édifice religieux possède une crypte abritant les ossements de près de 34.000 victimes de la guerre civile appartenant aux deux camps : républicains et nationalistes. Souvent sortis de fosses communes éparpillées dans tout le pays, ils ont été rassemblés à partir de 1958, année de la fin des principaux travaux. Œuvre de piété autant que de réconciliation nationale, l'origine, la création et de nombreux détails du projet sont dus au chef de l'Etat espagnol lui-même, dont la dépouille repose près du sanctuaire depuis sa mort survenue le 20 novembre 1975.

En juin 2017, le Directeur du Patrimoine national, appuyé par des familles et les partis de gauche, a demandé à l’abbaye bénédictine de déplacer plusieurs dépouilles de victimes anarchistes hors du sanctuaire. Pourtant, selon l'ordre ministériel du 11 juillet 1946, la basilique offre une demeure éternelle à tous les combattants morts baptisés, et dont les proches en ont fait la demande. En 1958 il fut spécifié que les morts républicains pourraient également y être enterrés, à condition qu'ils fussent catholiques.

Laisser dormir les morts en paix

Devant le refus des religieux, le Sénat espagnol est entré en lice, intimant aux bénédictins de s’expliquer devant lui le 5 mars 2018. Le père Santiago Cantera, prieur du couvent de Los Caídos ne s’est pas présenté, vu qu'il n'est pas un fonctionnaire de l'Etat. Il a répondu par une lettre datée du 6 mars : par principe le couvent ne refuse pas le fait d’exhumer des corps, mais l’opération est délicate et ne peut se faire sans l’accord de toutes les parties. Or 35 familles ont déjà écrit à l’abbaye pour demander de respecter leur droit de ne pas laisser ouvrir l’ossuaire contenant les restes de leurs proches, qui y reposent depuis tant d'années.

Une prochaine étape a lieu ce lundi 26 mars 2018 avec la visite de la Commission de justice du Sénat que le P. Santiago Cantera a accepté de recevoir dans son abbaye.

En guise d’apaisement, et à la demande du président de la Conférence des évêques d’Espagne, le couvent a d’ores et déjà retiré le 12 mars le recours administratif qui empêchait toute opération dans la crypte, ouvrant la voie à un possible transfert de dépouilles si les parties se mettent d’accord. Un tel transfert ne vaudrait toutefois que pour les seuls anarchistes, car jusqu’ici l’Eglise et le Parti Populaire au pouvoir s’opposent à ce qu’on touche au général Franco et au fondateur de la Phalange. Pour combien de temps ?

En effet, la résolution du 11 mai 2017 du Congrès des députés, la chambre basse du Parlement espagnol, a demandé au gouvernement que les dépouilles de Francisco Franco et de José Antonio Primo de Rivera soient exhumées de la basilique et déplacées vers un endroit moins en vue du site. Si cette résolution n'a pas de caractère contraignant, elle manifeste une certaine bassesse et surtout la haine toujours entretenue d'un passé pourtant glorieux.

Une œuvre bénie par l'Eglise

Le 7 avril 1960, le pape Jean XXIII avait élevé la crypte au rang de basilique mineure. Dans un message adressé le 6 juin 1960 au cardinal Gaetano Cicognani, longtemps nonce apostolique en Espagne, le vicaire du Christ avait salué l'œuvre accomplie.

Il écrivait en particulier : « C'est une grande consolation pour Nous que de Nous sentir en esprit au milieu des nombreux fidèles rassemblés pour les cérémonies qui se déroulent ces jours-ci dans la grandiose église de la Sainte-Croix de la Vallée des Morts. Nous avons voulu que celle-ci, qui vient solennellement d'être consacrée, à cause de sa splendeur artistique, de la dignité de son culte et de la piété des pèlerins qui y affluent de plus en plus nombreux, soit honorée avec le titre de basilique. (…)

« Les glorieuses annales de l’Espagne, le charme de son paysage, tout ce qui a été forgé de grand et de noble par sa souffrance au cours des dures années passées, s'est donné rendez-vous dans cette belle vallée, sous le signe de la paix et de la concorde fraternelles, à l’ombre de cette croix monumentale qui dirige vers le Ciel les prières de la fervente communauté bénédictine et des pèlerins pour la prospérité chrétienne de la nation, et qui restera dressée comme pour transmettre le flambeau de la foi et des vertus patriotiques aux générations futures ».

Le pape poursuit en encourageant « les catholiques espagnols dans leur tâche de conserver dans son intégrité et sa pureté leur fécond patrimoine spirituel ! » Il se réjouit que « l’Espagne qui a porté la foi à tant de nations veuille aujourd’hui continuer le travail pour que l’Evangile éclaire les chemins qui marquent la route actuelle de la vie, et pour que la lignée hispanique, qui s’enorgueillit à juste titre d’être un berceau de la civilisation chrétienne et un phare de l’expansion missionnaire, continue et dépasse même de telles gloires, en étant fidèle aux exigences de l’heure présente en ce qui concerne la diffusion et la réalisation du message social du christianisme, car sans les principes et la doctrine de ce message, l'édifice de la vie sociale humaine se lézarderait facilement ».

Enfin, le pape Jean XXIII exhorte ses chers fils d'Espagne à « l’obéissance à la Loi de Dieu » afin que « la Providence guide les individus et les peuples dociles à la voix du Roi des cieux et de la terre sur le chemin de la prospérité et de la paix. » Il invoque « la Vierge très sainte, vénérée avec une telle dévotion en Espagne et qui occupe une place d'honneur dans ce sanctuaire » : « Nous lui demandons de protéger sous son manteau les âmes de tous ceux qui y reposent fraternellement unis. Le pape accorde la Bénédiction apostolique au « vénérable épiscopat de ce pays catholique, à son chef d'Etat et à son gouvernement ainsi qu'à tout le très cher peuple espagnol ».